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Edouard Levé, Autobiographie, POL, 2005
« Adolescent, je croyais que La Vie mode d’emploi m’aiderait à vivre, et Suicide mode d’emploi à mourir. J’ai passé trois ans et trois mois à l’étranger. Je préfère regarder sur ma gauche. Un de mes amis jouit dans la trahison. La fin d’un voyage me laisse le même goût triste que la fin d’un roman. J’oublie ce qui me déplaît. J’ai peut-être parlé sans le savoir avec quelqu’un qui a tué quelqu’un. Je vais regarder dans les impasses. Ce qu’il y a au bout de la vie ne me fait pas peur. Je n’écoute pas vraiment ce qu’on me dit. Je m’étonne qu’on me donne un surnom alors qu’on me connaît à peine. Je suis lent à comprendre que quelqu’un se comporte mal avec moi, tant je suis surpris que cela m’arrive : le mal est en quelque sorte irréel. J’archive. J’ai parlé à Salvador Dali à l’âge de deux ans. La compétition ne me stimule pas. Décrire précisément ma vie me prendrait plus de temps que la vivre. Je me demande si, en vieillissant, je deviendrai réactionnaire. Assis jambes nues sur du skaï, ma peau ne glisse pas, elle crisse. J’ai trompé deux femmes, je leur ai dit, l’une y fut indifférente, l’autre pas. Je plaisante avec la mort. Je ne m’aime pas. Je ne me déteste pas. Je n’oublie pas d’oublier. Je ne crois pas que Satan existe. Mon casier judiciaire est vierge. J’aimerais que les saisons durent une semaine. Je préfère m’ennuyer seul qu’à deux. J’arpente les lieux vides et je déjeune dans des restaurants désolés. En matière de nourriture, je préfère le salé au sucré, le cru au cuit, le dur au mou, le froid au chaud, le parfumé à l’inodore. Je ne peux pas écrire tranquillement s’il n’y a rien à manger. »
Ecrivain, photographe et peintre français, Edouard Levé est né le 1er janvier 1965. Il a tout d’abord étudié le commerce à l’ESSEC, avant de se consacrer à sa première passion, la peinture.
En 1995, Edouard Levé quitte la métropole pour l’Inde. Il passe deux mois dans ce pays riche en couleurs et en inspiration. Une expérience qui le mène à changer de métier, une fois de retour en France. Il se tourne alors vers sa deuxième passion, la photographie.
Quatre ans plus tard, il dévoile sa première série « Homonyme », composée de photos de personnes portant le même nom que des écrivains et artistes célèbres tels qu’Eugène Delacroix, Georges Bataille, Yves Klein ou Henri Michaux. Viendront ensuite d’autres séries comme « Pornographie », où des personnes habillées posent devant son objectif, en mimant des postures pornographique, « Rugby » qui comprend des clichés de personnes qui reproduisent des actions du jeu du même nom sans tenue de sport, ou encore « Amérique » (2006), une suite de photographies des quinze villes des Etats-Unis portant les noms des villes du monde (Paris, Bagdad, Berlin, Oxford, Rome, Amsterdam…). On lui doit aussi une pièce consacrée à la commune d’Angoisse.
Parallèlement, le photographe commence une carrière d'écrivain. En 2002, il publie chez P.O.L. son premier livre intitulé « Œuvres ». Il y décrit cinq cents trente-trois projets d’œuvres, parmi lesquels la célèbre série « Pornographie ». Deux ans plus tard, il sort « Journal », réalisé à partir d’articles de presse.
Son travail, de par le style de ses écrits, est marqué par celui de Raymond Roussel et de Georges Perec. Mais Edouard Levé est aussi un artiste guidé par une quête d’identité que l’on retrouve notamment dans les séries « Homonyme » et « Angoisse ». Une perpétuelle recherche de la ressemblance, de l’analogie et du parallélisme anime ses œuvres.
Son dernier ouvrage publié de son vivant, « Autoportrait », est un témoignage d’une sombre époque de sa vie, durant un séjour aux Etats-Unis. Il y énumère une succession de phrases décrivant son état d’esprit à l’instant. Ecrivain tourmenté, il dresse le portrait d’une personne minée par l’amertume. Le tout avec un style d’écriture simple, qui le caractérise.
Trois jours avant de mettre fin à ses jours, Edouard Levé remet à son éditeur P.O.L. un manuscrit, « Suicide », qui sera publié à titre posthume en 2008.
Le 15 octobre 2007, l’écrivain et artiste français disparaît à l’âge de quarante-deux ans.
"A vous de jouer maintenant ! Écrivez à la manière d'Edouard Levé sur le patrimoine et envoyez vos textes à l'adresse memoiresenmouvement@gmail.com, nous les publieront sur le blog".
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